S'il y avait bien un lieu ou Spécieuse Romance aimait se réfugier c'était la ville. Elle savait pertinemment qu'elle n'avait aucune chance de croiser un guerrier au travers d'une ruelle, cela lui permettait d'oublier instant sa condition, toutes ces histoires de code du guerrier ou de clan de l'Aurore auxquelles elle ne croyait absolument pas. Au début, comme tout chat sauvage, la proximité avec les Bipèdes, la puanteur de l'atmosphère, la saleté de caniveaux la repoussait, mais à force de s'y rendre elle s'y était habituée, elle avait même pris goût à cette autre monde.

N'oublions pas que contrairement aux autres guerriers Spécieuse Romance n'avait jamais eu de problème pour se fondre dans ce genre de paysage, là où les autres étaient repoussés, hors de leur éléments, pointé du doigt, la belle demoiselle était acceptée. Sa petite taille, et ses airs de chat birman lui donnait un genre de chat domestique, elle était à la fois flattée par les Bipèdes et les chats de gouttière, et cela n'était pas sans lui plaire. C'était peut-être une des raisons pour lesquelles elle aimait tant cet endroit.

Ce jour elle était confortablement installée au abords d'une fontaine, occupée à se lécher minutieusement. Son poil soyeux resplendissait au soleil. Les passants, les chiens et mêmes les pigeons qui gambadaient joyeusement dans le parc l'admiraient. Personne n'aurait put imaginer qu'il avait à faire à une redoutable guerrière, jusqu'au moment où, par surprise, elle attrapa d'un coup de croc furtif un pigeon, et le posa à terre, pour le manger lentement, savourant chaque morceau, en prenant garde à ne pas laisser du sang ou des plumes sur son pelage. Les personnes âgées assises au banc d'en face affichèrent une mine dégoûtée avant de s'éloigner pour prendre place sur une autre de ces chaises grand format publiques. Les oiseaux les suivirent, affamés, sachant qu'ils pourraient grappiller quelques morceaux de pain. Spécieuse Romance observait le spectacle avec amusement quand elle sentit une odeur suspecte, pourtant elle ne bougea pas d'un pouce, feignant de ne rien avoir remarqué...

Elle finit par reconnaître l'odeur d'un chat de son clan. La première question qu'elle se posa fut la suivante : qu'est ce qu'une guerrière du Zénith pouvait bien faire par ici ? Toutes les hypothèses possibles, impossibles, et imaginables traversèrent son esprit. Peut-être aimait-elle un chat domestique, ou alors c'était le lieu de rencard d'un amour interdit, avec un chat d'un autre clan, ou pire encore, peut-être venait-elle chercher la nourriture facile de la main d'un Bipède... Celle qu'elle retient, la moins farfelue, était que tout comme Spécieuse Romance, elle aimait simplement la ville, son atmosphère, ses habitants... Cette idée lui plaisait bien, elle se sentait d'un coup un peu moins seule, se disant qu'une autre partageait les mêmes goûts qu'elle, et peut-être deviendrait t-elle amies.

Des amies, Spécieuse Romance en avait très peu, en fait, à y réfléchir pas du tout... Il y avait bien des félins qui étaient très attachées à elle, mais ce n'était pas réciproque. Non, la jolie femelle ne s'attachait à personne, et ne se montrait réellement à quiconque. Elle les utilisait juste, pour combler sa solitude, car malgré les apparences ce qu'elle détestait être seule...

D'un coup elle coupa ses réflexions pour se rendre à l'évidence que l'autre femelle aussi devait se demander pourquoi elle se trouvait dans le côté urbain de l'île. Elle ne voulait surtout pas être questionnée, d'ailleurs si elle était venue ici à l'origine c'est pour être tranquille ! Elle continua à feindre qu'elle ne l'avait pas vue, priant pour qu'elle finisse par se dire qu'elle s'était trompée, et que Romance n'était qu'un vulgaire chat domestique. Mais non, elle vient se placer à côté d'elle...

A proximité elle reconnut l'odeur de Fraise Sucrée, il s'agissait d'une vétérante du clan, que tout le monde admirait. Spécieuse Romance n'avait jamais prêté spécialement attention à elle, toutes les deux n'avaient jamais eu l'occasion de vraiment faire connaissance. Puisque cette dernière semblait décidée à parler, autant rattraper le temps perdu.

- Oui, le genre de journée que les pigeons apprécient particulièrement.

Elle répliqua ainsi pour éviter tout questionnement, elle était ici pour les pigeons, point à la ligne. D'ailleurs elle était assez fière d'avoir trouver cette excellente excuse, qui n'était pas fausse d'ailleurs.